Jour 1, Abbaye de Fontfroide
9 Novembre 2013
Pour ce week-end détente de trois jours, direction les Corbières, cette région montagneuse de l’Aude aux pieds des Pyrénées. Dans cette garrigue austère se dressent les « citadelles du vertige », les impressionnants châteaux du Pays Cathare nichés sur d’abrupts promontoires rocheux, tandis qu’au fond des vallées, le vignoble fait la richesse de ce terroir. Mais, avant d’arriver à destination, au complexe hôtelier Les Jardins de Saint-Benoît situé à Saint Laurent de la Cabrerisse et qui sera notre point de chute de ces prochains jours, petit arrêt en route à l’abbaye de Fontfroide, une des plus belles abbayes de France. Située un peu au milieu de nulle part, au Sud-Ouest de Narbonne, on trouve cette abbaye au cœur du vignoble des Corbières. Éloigné de tout, le site est très paisible et entouré de verdure. En ce samedi à 12h, il y a guère de monde sur le parking, cela augure d’une visite tranquille !
L’entrée est située dans l’ancienne ferme de l’abbaye, accolée au mur d’enceinte et comprend la billetterie, une boutique / librairie souvenirs et une cave à vins. De l’autre côté de la cour se trouve le restaurant avec une jolie terrasse. Les visites sont libres ou guidées, au choix, mais le prix étant le même (10€80), préférez la visite guidée qui est beaucoup plus complète et vraiment intéressante. Après avoir pris nos billets, direction la porte d’entrée de l’abbaye. Celle-ci appartient aujourd’hui aux descendants de Gustave et Madeleine Fayet, collectionneur et conservateur de musée qui entreprit, en 1908, de restaurer l’abbaye. Une partie de l’ancien Logis du prieur est privée. C’est dans la cour d’honneur, aménagée au 17e siècle par les abbés commendataires, que commence la visite et que le guide nous fait un rapide historique de l’abbaye.
L’histoire de Fontfroide
L’abbaye de Fontfroide tient son nom de la source (fons frigida) prés de laquelle elle a été fondée, en 1093 par le vicomte de Narbonne, Aymeric II. À l’origine bénédictine, elle se rattache en 1145 à l’ordre de Cîteaux et devient rapidement une des plus riches abbayes cisterciennes en Europe. Ces donations permettent d’entamer la construction du monastère, d’acquérir des terres et de fonder d’autres abbayes dans les environs.
Mais, face au catharisme et à la menace qu’il représente pour l’Eglise de Rome et la société médiévale, Fontfroide se retrouve directement impliquée et devient l’ultime bastion de la foi catholique. Le Pape Innocent III ordonne à deux de ses moines de lutter contre le catharisme et l’assassinat de Pierre de Castelnau, l’un d’eux, va provoquer la croisade contre les Albigeois en 1209. Une longue période de déclin et de relâchement suit : la Peste Noire de 1348 va mettre fin à l’époque glorieuse de l’abbaye, puis, la mise en commende (des abbés imposés par le Roi dirigent l’abbaye et vivent d’une partie de ses revenus) va finir par embellir, transformer puis finalement dépouiller Fontfroide jusqu’à la Révolution Française.
La visite de l’abbaye de Fontfroide
L’abbaye de Fontfroide n’a donc cessé d’être embellie et transformée. Les constructions se sont étalées sur plusieurs siècles et reflètent le style architecturale de l’époque. Le réfectoire des convers fait une cinquantaine de mètres et permettait d’accueillir 200 convers. Construit au 13e siècle, il est composé de cinq travées surplombées de voûtes d’ogives. Au 18e siècle, de larges fenêtres sont crées, ainsi que de grandes portes fermées par des grilles en fer forgé.
Dans une abbaye, les moines de chœurs, qui se consacrent essentiellement à l’Opus Dei, sont séparés des frères convers, qui sont chargés des travaux manuels et des affaires séculières de l’abbaye. On accède ensuite à la cour Louis XIV, occupée autrefois par les ateliers des frères convers. L’aménagement de cette cour donne des allures de châteaux à l’abbaye, avec des fenestrages à meneaux et son fronton classique qui tranchent avec l’austérité de l’architecture cistercienne.
La visite continue ensuite par la ruelle des convers et le cellier avant d’atteindre le somptueux cloître. La ruelle des convers est impressionnante, elle marque la frontière entre les bâtiments des convers et les bâtiments des moines. Elles permet d’accéder au cellier, au dortoir des convers au premier étage et à l’église sans déranger les offices tenues par les moines. Le cloître, le centre névralgique de la vie monacale, est un mélange de style roman et de style gothique et reflète les deux périodes de construction différentes. Les galeries surmontées de voûtes d’ogives s’ouvrent sur le jardin avec son puits où les arcades et les colonnettes de marbre sont envahies de plantes grimpantes. Des toits en terrasses couvrent les galeries et le clocher domine le cloître.
La construction de l’église abbatiale a débuté au 12e siècle et reflète le style cistercien de l’époque. Le nef, tout en sobriété, s’élève jusqu’à sa voûte en berceau brisée, à 20 mètres de haut, flanquée de colonnes brutes. Elle est encadrée par deux collatéraux dont la voûte en demi-berceau monte à 14 mètres ; celui du Sud comprend cinq chapelles du 15e siècle. Le transept a été élevé à la fin du 12e siècle et, à la croisée centrale, la clé de voûte a été remplacé par un oculus faisant pénétrer la lumière. Les vitraux colorés du 20e siècle tranchent avec la simplicité de l’église. Les 34 vitraux de l’abbatiale, réalisés par Richard Burgsthal, font partis des rénovations entreprises par Gustave Fayet.
La visite se poursuit par la salle capitulaire, là où se réunissaient les moines pour prendre les décisions importantes de l’abbaye, avant de monter à l’étage pour rejoindre via le promenoir, qui servait également à récolter l’eau de pluie, le dortoir des convers. Réaménagé, le dortoir des convers accueil aujourd’hui des concerts, sous sa grande voûte en berceau brisé. Un grenier était à l’origine situé au-dessus du cellier, on voit encore aujourd’hui les ouvertures latérales permettant de hisser les sacs. De l’autre côté de l’escalier, le dortoir a été transformé en hôtellerie.
Les extérieurs de l’abbaye
La visite se termine par la roseraie, créée au début du 20e siècle et qui était à l’origine un potager et un ancien cimetière. Etant en plein mois de Novembre, les jardins en terrasses ne sont pas visitables.
Après cette visite agréable et très instructive, on souhaite poursuivre la découverte du site en prenant de la hauteur. Un sentier grimpe dans la garrigue jusqu’à la tour qui embrasse tous les bâtiments. Plusieurs chemins de randonnée parcourent le massif de Fontfroide qui s’étend sur 3000 hectares. Ces chemins ont pour a plupart été crée à l’Antiquité ou au Moyen-âge par les moines. À partir de la tour, un chemin fait le tour de la colline surplombant l’abbaye et grimpe jusqu’à une croix. En à peine 15 minutes de marche, on atteint un superbe panorama, avec l’abbaye de Fontfroide en contre-bas, le château de Saint Martin de Toques sur la colline en face (un château fort sous la dépendance des vicomtes de Narbonne) et au loin, la plaine viticole de Lézignan.
Avant de partir, on s’arrête au restaurant La Table de Fontfroide, installé dans l’ancienne bergerie de l’abbaye. Dans une grande salle voûtée (il y a également une belle terrasse en pleine saison), le déjeuner est agréable et les plats succulents et fins (quoique un peu léger en quantité). Le restaurant propose également une carte variées des vins des Corbières produits par l’abbaye.
Une visite complète du site, entre la visite guidée de l’abbaye, une balade dans les alentours et un déjeuner au restaurant, prend bien une demi-journée mais l’ensemble est très agréable, surtout à cette période l’année. Le petit plus, mais qu’il faut programmer, c’est assister à un concert à Fontfroide, notamment lors du festival Musique et Histoire qui se déroule en Juillet et qui propose des concerts de musique classique ancienne d’ici et d’ailleurs.
L’Abbaye a l’air superbe, surtout les galeries!
Elle l’est effectivement ! Pour les amoureux des vieilles pierres et du patrimoine français, Fontfroide est un lieu incontournable lors d’un passage dans la région. Une ambiance unique s’en dégage…